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Faux kilométrage - vice caché (non) - nullité du contrat ? (oui sur base de l'erreur)

Arrêt du 27 janvier 2022 de la Cour d'appel de Luxembourg


A l’appui de sa demande, A a exposé que la société SOC 1) lui avait vendu le véhicule au prix de 10.000 euros et que le contrat de vente et la facture indiquaient un kilométrage de 151.838 km.


Lors d’une visite du 14 juin 2017 auprès du concessionnaire AUDI à X, il aurait appris que le compteur de ce véhicule avait indiqué 149.000 km en 2012 et 118.000 km en 2015..


Il aurait ensuite fait procéder à une expertise par le cabinet d’expertises EXPERT 1) en date du 25 août 2017, en vue de connaître le véritable kilométrage de la voiture..


Le résultat de l’expertise aurait révélé qu’en date du 10 mai 2012, l’historique enregistré dans la base de données indiquait un kilométrage de 155.798 km, de sorte qu’il serait impossible que le kilométrage ait été de 151.835 km au jour de la vente en 2017


Quant au dol


Aux termes de l’article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention si les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.


Il appartient à celui qui se prévaut d’un dol de rapporter la preuve non seulement de l’existence de manœuvres, à savoir de mensonges ou réticences dolosives, mais encore de la mauvaise foi, ainsi que le caractère déterminant de l’erreur provoquée par les manœuvres, dans la conclusion du contrat.


Il ne résulte, en l’espèce, pas des éléments du dossier que la société SOC 1) aurait eu recours à un mensonge ou aurait sciemment caché le véritable kilométrage du véhicule amener A à contracter. Il n’est, en effet, pas établi que la société SOC 1) ou B aient eu connaissance de l’inexactitude des indications kilométriques. C’est, par conséquent, à juste titre que le tribunal a dit que le dol allégué laissait d’être prouvé.


Quant aux vices cachés


Tel que l’ont à juste titre relevé les juges de première instance, l’acheteur victime d’un vice caché de la chose vendue ne peut agir en nullité de la vente pour erreur sur la substance, cette action n’étant ouverte que si le défaut ne trouve pas son origine dans un vice de la chose affectant l’usage qu’on en attend mais dans l’absence d’un des caractères ou attributs de la chose (cf. Cour d’appel lux. 5 octobre 2016, Pas.38, p.273 ; voir également en ce sens : Cour de cassation fr. civ. 1re, 14 mai 1996, Bull.civ. I, n° 213; Dalloz 1998. 305).


Il convient donc d’analyser si l’indication inexacte du kilométrage constitue un vice caché de la voiture avant de statuer, le cas échéant, sur la demande en annulation de la vente pour cause d’erreur. L’article 1641 du Code civil dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »


Pour pouvoir invoquer un vice caché, l’acquéreur doit établir l’existence du vice, sa gravité et son antériorité à la vente. La gravité d’un vice caché s’apprécie de façon plus sévère dans les ventes d’objets d’occasion, notamment dans les ventes d’automobiles d’occasion. La garantie de l’article 1641 du Code civil ne peut s’appliquer qu’à des défauts d’une particulière gravité échappant à tout examen attentif au moment de l’achat et rendant le véhicule impropre à l’usage auquel il était normalement destiné en tant que véhicule d’occasion (cf. Cour d’appel lux. 25 mai 1977, Pas. 23, 529).


Le tribunal est à approuver en ce qu’il a retenu qu’en l’espèce, ni la fausse indication concernant le kilométrage, ni le remplacement du moteur en 2008, ne rendaient le véhicule impropre à son usage. Ces éléments ne constituent donc pas des vices cachés répondant aux critères de l’article 1641 du Code civil, mais permettent de retenir, le cas échéant, l’absence d’un « caractère » convenu de la chose vendue.


C’est partant à bon escient que l’application des articles 1641 et suivants du Code civil a été écartée et que la demande en annulation du contrat de vente sur base de l’erreur a été déclarée recevable.


Quant à l’erreur


L’erreur est définie comme une représentation inexacte de la réalité contractuelle. L’erreur n’est une cause de nullité que si elle a porté sur la substance même de la chose qui en est l’objet.


L’erreur sur les qualités substantielles est traditionnellement définie comme la croyance erronée en une qualité de l’objet du contrat, qualité en fait inexistante. L’erreur sur une qualité substantielle réside dans l’absence d’une qualité attendue ou promise. L’erreur sur la substance est normalement appréciée in concreto, c'est-à-dire par rapport à la psychologie de la victime de l’erreur, mais il est encore admis que le fait que la qualité défaillante est 10 habituellement substantielle in abstracto, c’est que dans l’opinion publique commune elle est considérée comme substantielle, peut constituer un indice faisant présumer qu’elle a aussi été substantielle pour l’errans (cf. Cour d’appel lux. 27 janvier 1999, n° 21159 du rôle).


La charge de la preuve pèse sur l'errans, demandeur en nullité. Le demandeur doit démontrer la réalité de son erreur. Il lui appartient d'établir que la méprise a porté sur une qualité substantielle de la chose. Le demandeur doit enfin établir que son erreur a eu un caractère déterminant. L'erreur est un fait juridique qui peut être établi par tous moyens. L'appréciation de l'erreur doit se faire à la date de conclusion du contrat. (cf. Jurisclasseur, Civil Code, Synthèse-Consentement, 21 mars 2021, n° 37).


Il est constant en cause que le contrat de vente du 18 février 2017 et la facture du 9 mars 2017 indiquaient un kilométrage de 151.838 km. Il résulte du rapport du cabinet d’expertises EXPERT 1) que la différence entre le kilométrage réel et le kilométrage affiché était d’au moins [155.798 (kilométrage affiché le 10 mai 2012) – 64.160 (kilométrage affiché le 28 avril 2014) = ] 91.638 km.


Il s’ensuit que A a consenti à la vente dans la croyance que le kilométrage du véhicule était de 151.838 km, ce qui ne correspondait pas à la réalité. Pour un acheteur d’un véhicule d’occasion, le kilométrage du véhicule constitue nécessairement un critère déterminant. Au vu du fait qu’en l’espèce, le kilométrage affiché correspondait à moins de deux tiers du kilométrage réellement parcouru, il faut admettre que si A avait eu connaissance du véritable kilométrage de la voiture, il n’aurait pas acquis celle-ci ou, du moins, il ne l’aurait pas acquise au même prix. Il convient partant de retenir que l’erreur de A a porté sur une qualité substantielle de la chose ayant fait l’objet du contrat.


Dans la mesure où A ne revêt pas la qualité de professionnel en matière d’achat et de vente de véhicules, il ne saurait lui être reproché de s’être fié au kilométrage affiché sans faire effectuer un examen plus approfondi de la voiture.


L’erreur dans son chef est donc à qualifier d’excusable. Au vu des développements qui précèdent, le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat de vente du 18 février 2017.

LEGALOZ avocat luxembourg
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