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Cession de bail commercial et fonds de commerce - responsabilité du cédant et du notaire

Arrêt de la Cour de cassation française du 6 janvier 2021


Mme L..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire ad hoc de la société Champignon, fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de cession de fonds de commerce, de condamner la société Champignon à restituer à la société Les Griottines le prix d'achat du fonds, de condamner la société Les Griottines à restituer à la société Champignon le fonds de commerce dans l'état où il se trouvait au jour de l'entrée en jouissance, de prononcer la nullité du bail commercial et de rejeter les demandes de Mme L.....


L'arrêt constate, ensuite, que l'assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 1989 a décidé de tolérer, dans les locaux objet du bail litigieux, l'installation d'une salle de dégustation de plats cuisinés prêts à emporter, et donc l'exercice de l'activité de restauration, sous la réserve que les conditions de cet exercice ne soient pas modifiées et qu'il n'y ait pas de réception de clientèle après 20 heures. Il constate, en outre, que le procès-verbal de l'assemblée générale du 26 janvier 2000 mentionne, après rappel de la décision du 11 mai 1989, que « cette autorisation excluait donc toute fabrication de plats sur place et interdisait donc toute activité de restauration traditionnelle » et qu'à cette date, les copropriétaires ont décidé que le syndic adresserait au propriétaire des locaux une mise en demeure afin qu'il exige de ses locataires le respect de la décision du 11 mai 1989, ce à quoi se sont conformés les propriétaires du fonds de l'époque, qui n'ont pas ouvert le restaurant le soir.


... le cédant d'un fonds de commerce et du bail commercial afférent à celui-ci n'est pas tenue d'informer le cessionnaire des éléments relatifs aux modalités d'exploitation du fonds que ce dernier est en mesure de connaître lui-même ; que, pour prononcer l'annulation pour dol de l'acte de cession du fonds de commerce de restauration conclu le 17 mars 2010 avec la société LES GRIOTTINES, et du bail commercial conclu avec cette société le même jour, la cour d'appel a considéré que la SARL CHAMPIGNON, Madame L... et Monsieur O... auraient dû porter à la connaissance de la société LES GRIOTTINES, de Monsieur U... et de Madame R... les dispositions du règlement de copropriété de l'immeuble excluant les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs, et les conséquences d'une contravention à ces dispositions, ainsi que la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 1989 indiquant que l'activité de consommation de plats cuisinés était tolérée à condition qu'aucune clientèle ne soit accueillie sur place après 20 heures ; qu'en statuant de la sorte, quand il incombait à la société LES GRIOTTINES de se renseigner sur les modalités d'exploitation du fonds de commerce cédé au sein de la copropriété dans lequel il était situé, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil...


.. constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ; qu'en se bornant à affirmer que « dès lors que la société Les Griottines avait l'intention d'exploiter un restaurant traditionnel en ouvrant le midi et le soir, ce que lui permettait l'objet du fonds et la destination du bail, il est évident que sans la réticence dolosive commise par ses cocontractants, elle n'aurait pas contracté », sans constater que la société CHAMPIGNON et Madame L... savaient que la société LES GRIOTTINES n'entendait racheter le fonds de commerce qu'à la condition de pouvoir recevoir du public après 20 heures, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 (devenu 1137) du code civil ;


... le dol lors de la conclusion d'un contrat ne peut constituer une cause de nullité de la convention que s'il porte sur un élément qui, s'il avait été connu du contractant, l'aurait dissuadé de s'engager ; qu'en l'occurrence, Madame L... faisait valoir .. que la société LES GRIOTTINES continuait d'exploiter son fonds de commerce sous l'enseigne ELYS ET MOI, et que la publicité sur internet faisait état d'une ouverture de son établissement le soir ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas de ces éléments que l'omission des informations relatives aux modalités d'exploitation du fonds avait été sans incidence sur la possibilité pour la société cessionnaire de poursuivre son activité, ni examiner les pièces versées aux débats par l'exposante pour étayer ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile....


L'obligation d'information incombant au notaire rédacteur d'un acte imposait à Me A... d'informer la société Les Griottines, qui était sa cliente, que le règlement de copropriété interdit les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs ce qui peut être le cas d'un restaurant et il se devait de porter à leur connaissance, la position prise par les copropriétaires le 11 mai 1989 sur les conditions d'exercice d'une activité de restauration ne gênant pas les copropriétaires par le bruit et par les odeurs, tout comme le notaire rédacteur de l'acte de vente du fonds à la société Champignon l'avait mentionné, et ce, sans avoir à décider qu'il n'avait pas à communiquer ces éléments exposant ainsi les acquéreurs à la mise en oeuvre, par la copropriété, de la procédure prévue par le règlement de copropriété pour contraindre le bailleur à résilier le bail. En s'abstenant d'informer l'acquéreur sur ces éléments qui pouvaient compromettre l'efficacité des actes et d'éclairer la cédante et les bailleurs sur le risque auquel était exposé la cessionnaire-locataire, Me A... a manqué à son obligation de conseil.


Cependant, le notaire, qui ne pourrait qu'être tenu de dommages-intérêts en lien causal avec la perte de chance corrélée à son manquement au devoir de conseil, n'est pas tenu de garantir les condamnations prononcées à l'encontre de Mme L... qui avait elle-même commis une réticence dolosive en dissimulant à la société Les Griottines que la destination du bail qu'elle lui consentait était incompatible avec l'exploitation d'un restaurant traditionnel en l'état des éléments dissimulés. Mme L... doit donc être déboutée de son recours » ;


..si le juge peut décider de dispenser le notaire, en dépit de la faute professionnelle qu'il a commise, de contribuer à la charge définitive de la réparation lorsque son coresponsable s'est rendu coupable d'un dol, il dispose également de la faculté de condamner l'officier public à une contribution partielle ; qu'à cet égard, la responsabilité professionnelle du notaire est susceptible d'être engagée à raison de toute faute de ce dernier en lien de causalité avec le dommage ;


qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'obligation d'information incombant au notaire Me A... lui imposait « d'informer la société Les Griottines, qui était sa cliente, que le règlement de copropriété interdit les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs ce qui peut être le cas d'un restaurant et il se devait de porter à leur connaissance, la position prise par les copropriétaires le 11 mai 1989 sur les conditions d'exercice d'une activité de restauration ne gênant pas les copropriétaires par le bruit et par les odeurs, tout comme le notaire rédacteur de l'acte de vente du fonds à la société Champignon l'avait mentionné » et retenu qu'en s'abstenant d'informer l'acquéreur sur ces éléments «qui pouvaient compromettre l'efficacité des actes », et d'éclairer la cédante et les bailleurs sur le risque auquel était exposé la cessionnaire-locataire, Me A... avait manqué à son obligation de conseil, mais a toutefois considéré que le notaire, « qui ne pourrait qu'être tenu de dommages-intérêts en lien causal avec la perte de chance corrélée à son manquement au devoir de conseil » n'était pas tenu de garantir les condamnations prononcées à l'encontre de Madame L... qui a elle-même commis une réticence dolosive en dissimulant à la société LES GRIOTTINES que la destination du bail qu'elle lui consentait était incompatible avec l'exploitation d'un restaurant traditionnel ; qu'en statuant de la sorte, par un motif impropre à justifier le rejet en son entier du recours en garantie de Madame L... contre Me A..., dont il résultait de ses constatations que le manquement à son devoir d'information était en lien causal avec le vice du consentement allégué par les demandeurs, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article 1116 (devenu 1137) du code civil ;





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