Jugement du tribunal de paix du 20/07/2020, Rép. fiscal No. 2051/20
Par requête déposée au greffe de la justice de paix de Luxembourg en date du 6 avril 2020, la société à responsabilité limitée SOC.1.) s.à r.l., placée sous gestion contrôlée suivant jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 26 avril 2019, a sollicité la convocation de la société à responsabilité limitée SOC.2.) s.à r.l. devant le tribunal de paix de Luxembourg pour l’entendre condamner à lui payer à titre d’arriérés de loyers le montant de 30.916,53.- euros, le montant de 948,63.- euros à titre d’intérêts conventionnels arrêtés au 1er avril 2020 et le montant de 15.- euros à titre de frais de mise en demeure.
Lors des plaidoiries, la requérante a augmenté sa demande au montant de 35.487,82.- euros à titre d’arriérés de loyers tels qu’arrêtés au 1er juillet 2020.
La défenderesse reconnaît les loyers redus à l’exception des loyers d’avril et de mai 2020 ; elle soutient ainsi ne pas avoir pu jouir pendant cette période des locaux loués suite à la crise sanitaire liée au Covid 19 et la fermeture administrative de sa boutique.
Aux termes de l’article 1728 du Code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales, dont l’une consiste à payer le prix du bail aux termes convenus. Il ne peut se prévaloir en principe de l’exception d’inexécution pour justifier le non-paiement de tout ou partie du loyer sous prétexte que le bailleur reste en défaut d’assurer la jouissance des lieux loués, à moins que le manquement du bailleur est avéré indiscutable et incontestable (T. Paix Lux., 15 juillet 1993, réf. 2809/93). L’article 1719 du Code Civil oblige, de son côté, le bailleur à faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.
L’exception d’inexécution, prévue à l’article 1134-2 du Code civil, aux termes duquel, « lorsqu’une des parties reste en défaut d’exécuter une des obligations à sa charge, l’autre partie peut suspendre l’exécution de son obligation formant la contrepartie directe de celle que l’autre partie n’exécute pas, à moins que la convention n’ait prévu en faveur de cette partie une exécution différée », sous-entendue dans tout contrat synallagmatique, ne permet au locataire de suspendre l’exécution de son obligation de payer les loyers que si le bailleur n’exécute pas lui-même ses propres obligations contractuelles.
Mais pour justifier l’exception, il faut encore un manquement grave, une véritable inexécution de son obligation par le bailleur. Ainsi faut-il que le défaut d’exécution prive le locataire de pratiquement toute la jouissance des lieux loués. L’inexécution justifiée suppose, en effet, un manquement incontestable et implique un équilibre entre les obligations réciproques inexécutées (cf. TAL, 18 décembre 1997, n° 59 818 du rôle).
L’article 1719 du Code Civil oblige, de son côté, le bailleur à faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail. La partie bailleresse a expressément reconnu à l’audience avoir manqué à son obligation d’assurer la jouissance des lieux loués ; elle entend cependant s’exonérer de sa responsabilité par la force majeure liée à la fermeture administrative de la boutique suite à la crise sanitaire liée au Covid 19.
Si la question de la jouissance des lieux loués dans le cadre d’un bail commercial (surface commerciale, bureaux etc.) suite à une fermeture administrative peut certes prêter à débat, le tribunal relève que ce débat n’a pas lieu d’être dans le présent cas d’espèce au regard de la reconnaissance par la bailleresse d’avoir manqué à assurer la jouissance des lieux.
Quant à la force majeure : La force majeure, si certains critères sont remplis, peut avoir comme conséquence d’exonérer une personne de la responsabilité qui normalement pèserait sur elle. Pour valoir exonération, il est nécessaire que la force majeure remplisse les caractères d’extériorité, d’irrésistibilité et d’imprévisibilité.
Il faut admettre que la fermeture administrative du local exploité par la défenderesse suite à la pandémie du Covid 19 comprend ces caractères d’extériorité, d’irrésistibilité et d’imprévisibilité et constitue partant un cas de force majeure non imputable à la partie bailleresse. La partie bailleresse ayant réussi à s’exonérer totalement de sa responsabilité, la demande en paiement des arriérés de loyers est dès lors à déclarer fondée pour le montant de 35.487,82.- euros.
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