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Vices cachés - rapport d'expertise unilatéral - quelle valeur juridique ?


Arrêt de la Cour d'appel de Luxembourg du 13 juillet 2021


En matière d’expertise judiciaire, il est fréquent de constater que la jurisprudence utilise indifféremment les mots « nullité » et « inopposabilité ».


Or, ces deux termes ne sont ni identiques, ni interchangeables : la nullité ne peut être prononcée qu’à l’égard des parties à l’instance, l’inopposabilité ne doit être déclarée qu’à l’égard des tiers. Une expertise, tout en n’étant pas nulle, n’est pas opposable à un tiers qui n’y a pas participé ...


Il n'est donc pas exact lorsque A parle d’opposabilité en relation avec des expertises unilatérales. Selon la doctrine et la jurisprudence constante, un rapport d’expertise est en principe inopposable à toute personne qui n’a pas été appelée ou représentée aux opérations d’expertise.


La raison de cette règle est la sauvegarde des droits de la défense de la partie contre laquelle on veut invoquer un rapport d’expertise lors de l’élaboration duquel elle n’a pu présenter ses observations.


L’expert judiciaire doit respecter le principe du contradictoire, règle essentielle de validité de l’expertise judiciaire, et c’est le respect du contradictoire lors des opérations d’expertise qui rend son expertise opposable aux parties qui y ont été présentes ou représentées. Un rapport d’expertise judiciaire ne saurait être opposé à une partie qui n’y a pas été appelée et qui n’y a pas participé.


Il en découle que le juge ne peut retenir dans sa décision les conclusions résultant d’une expertise ordonnée dans le cadre d’une instance judiciaire dans laquelle une personne n’était pas partie et dont elle conteste l’opposabilité (cf. Cass. 8 déc. 2005, n° 63/05).


Le rapport d’expertise judiciaire G n’est donc pas opposable à B alors même qu’il a été (i) soumis aux débats contradictoires dans l’instance devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg et (ii) a pu être critiqué par B qui n’a pas participé à cette mesure d’instruction.


Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que les juges de première instance ont rappelé, qu’en application du principe de la contradiction qui domine les procédures relatives à la preuve, le juge ne doit admettre l’opposabilité d’une telle mesure d’instruction à une partie qu’autant que celle-ci y a été présente ou représentée. Le jugement est donc, par adoption de motifs, à confirmer en ce qu’il a déclaré inopposable à B le rapport d’expertise judiciaire préliminaire de G.


Il résulte en effet de l’exposé des faits ci-dessus que la mise en intervention forcée et en garantie à l’encontre de B en date du 18 octobre 2013 est postérieure au dépôt du rapport d’expertise du 19 août 2013.


Cette intervention a été déclarée irrecevable par le TPI d’Arlon au motif que l’expert avait déjà rédigé et déposé son rapport. Au vu de ces éléments, et du fait que le jugement du TPI d’Arlon est coulé en force de chose jugée, l’appelante ne saurait reprocher à B d’avoir refusé de participer aux opérations d’expertise...


- quant à la valeur probante d’un rapport judiciaire déclaré inopposable


A titre encore plus subsidiaire, A donne à considérer que le rapport de l’expert judiciaire G, même s’il devait ne pas être opposable à B, ne constitue pas moins une pièce versée au dossier et est donc à prendre en considération.


Conformément aux développements des parties, il convient d’analyser si le rapport d’expertise G peut, malgré le fait qu’il a été déclaré inopposable à B, être pris en considération par la Cour en tant qu’élément de preuve à l’instar d’un rapport d’expertise unilatéral.


L’expertise unilatérale ou officieuse, qu’une partie fait dresser à l’appui de ses prétentions par un homme de l’art, n’est par définition pas contradictoire. Le rapport ne saurait cependant lier les juges ; ils peuvent y puiser leur conviction dès lorsqu’il a été régulièrement versé aux débats et contradictoirement discuté ; ils peuvent même le faire prévaloir sur le rapport établi par l’expert judiciaire mais ils peuvent aussi n’en tenir aucun compte ...


Un rapport d’expertise unilatéral n’a en principe pas la même valeur qu’un rapport contradictoire, en ce sens qu’il ne peut pas servir de base unique à une décision...


La première conséquence découlant du prononcé de l'inopposabilité du rapport d'expertise est une atténuation de sa valeur probatoire vis-à-vis de la ou des parties dont les droits de la défense ont été violés.


Le rapport déclaré inopposable n'est cependant pas nul. L'inopposabilité est relative. Le rapport reste opposable aux parties dont les droits de la défense ont été respectés. Certains éléments consignés dans le rapport déclaré inopposable peuvent encore être retenus au titre de présomption, s'ils sont confirmés par d'autres éléments du dossier, ou au titre de simples renseignements. A a invoqué un « arrêt n° 3/18 de la Cour d’appel du 17 janvier 2018 ».


Il découle de cet arrêt que « si une expertise à laquelle une partie n’a pas participé n’est certes pas contradictoire à son égard, le rapport dressé à la suite de ces opérations d’expertise constitue cependant un élément de preuve au sens de l’article 64 du nouveau code de procédure civile et, s’il est régulièrement communiqué et soumis à la libre discussion des parties, il est à prendre en considération en tant qu’élément de preuve et ne peut être écarté pour ne pas avoir été contradictoire à l’égard de l’une des parties au litige ».


Au vu de ce qui précède, le rapport d’expertise G peut, à l’instar d’un rapport unilatéral, valoir à titre de preuve dès lors qu’il est établi qu’il a été soumis à la libre discussion des parties. Tel qu’indiqué ci-dessus, les conclusions de l’expert G ne lient pas la Cour mais elle peut y puiser des renseignements alors que ce rapport bien qu’établi de manière non contradictoire à l’égard de B, a été soumis à la libre discussion contradictoire des parties.


C’est dès lors à tort que le tribunal a décidé qu’au regard de l’inopposabilité de rapport judiciaire G, il « ne saurait dès lors y puiser les éléments, aux fins de retenir que B est tenu à garantie. »

LEGALOZ avocat luxembourg
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