Arrêt du 11 janvier 2017 de la Cour d'appel (appel référé)
La société anonyme SOC1.) affirme que le premier juge n’aurait pas eu d’autre possibilité que d’entériner l’accord des parties en ce qui concerne la mission à confier à l’expert de sorte que la mission confiée à l’expert BALL devait impérativement comprendre la réception contradictoire des travaux et le décompte à dresser entre parties.
L’appelante verse deux ordonnances de référé du 14 décembre 2012 et du 31 octobre 2014 qui ont, sur base de l’article 350 du NCPC, chargé un expert de procéder entre autres à une réception contradictoire des prestations fournies. Ces ordonnances ont pour seule motivation l’accord des parties.
Il convient de rappeler que la demande basée sur l’article 350 du NCPC, qui n’est pas subordonnée aux conditions de l’urgence et de l’absence de contestations sérieuses, a un caractère autonome et ne doit répondre qu’aux exigences posées par ledit texte lesquelles sont, à part l’absence de procès au fond, l’existence d’un motif légitime d’établir, par mesure d’instruction légalement admissible, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
Ledit texte institue un référé qui est autant « préventif », en ce qu’il tend à éviter tout procès au fond, que « probatoire », en ce qu’il tend à conserver des éléments de preuve soumis au risque d’un dépérissement prochain ou à établir la preuve de faits qui se sont déjà produits et qui ne sont pas soumis au risque d’un changement ou d’une disparition prochains.
En l’espèce, le motif légitime dans le chef de la demanderesse initiale n’est pas contesté et il a d’ailleurs été, à bon droit, constaté par le premier juge qui a retenue que les parties ont un intérêt légitime à voir déterminer les inexécutions, vices, malfaçons, non-conformités et autres désordres affectant les travaux effectués par la partie demanderesse SOC1.)....
L’acquiescement des autres parties, appelantes et intimées, au principe de l’institution d’une expertise, ne dispense pas la Cour d’examiner si les conditions d’application de l’article 145
du code de procédure civile (qui est identique à l’article 350 du NCPC) sont données...
Le moyen de l’appelante que le premier juge aurait impérativement dû entériner l’accord des parties n’est donc pas fondé.
La juridiction saisie d’une demande sur base de l’article 350 du NCPC ne peut ordonner que des mesures d’instruction légalement admissibles.
.. le juge des référés dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation du choix de la mesure à ordonner, mais également de l'opportunité d'ordonner une mesure .., il n'est pas obligé d'ordonner une mesure qu'il estime inutile, même s'il a constaté l'existence d'un motif légitime du demandeur.... La mission de l'expert doit donc être justement circonscrite .. et correspondre aux faits dont pourrait dépendre la solution du litige..
Selon la jurisprudence constante, le juge des référés, statuant sur base de l’article 350 du NCPC, ne peut pas ordonner à l’expert de dresser le décompte entre parties. Il n’appartient en effet pas à l’expert de se prononcer sur la nature juridique des dégâts qu’il sera amené à constater et il ne lui appartient de toute évidence pas de se prononcer sur les responsabilités respectives... cette mesure participe au fond et dépasse ainsi les pouvoirs du juge des référés ...
La Cour constate que la demande concernant la réception contradictoire était formulée comme suit : « de procéder à la réception contradictoire des prestations fournies par la société anonyme SOC1.) S.A. sur base de son devis n°14-777 du 26.12.2014 pour un montant htva de 1.152.227,57 euros portant sur des travaux d’agencement mobilier, parquet et menuiserie intérieure, pour la construction d’un immeuble d’habitation ...., des suppléments commandés ainsi que des travaux de remise en état des biens livrés par SOC1.) S.A. suite à des dégradations par d’autres corps de métiers, et, de faire le décompte entre parties ».
Pour accomplir cette mission, l’expert devrait procéder non seulement à des constatations de faits mais également à des appréciations en droit aux fins de savoir
(i) quels travaux sont inclus dans le devis respectivement sont à qualifier de suppléments et
(ii) se prononcer sur les responsabilités incombant aux parties intervenues sur le chantier.
Comme de telles appréciations ne relèvent pas de la compétence de l’expert, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que cette mesure est exclusivement réservée au juge du fond.
La Cour tient finalement à relever que, eu égard au fait que l’appelante insiste lourdement sur l’accord entre parties en ce qui concerne l’étendue de la mission d’expertise, rien n'empêche les parties de solliciter de l'expert ultérieurement une mesure d'instruction complémentaire.
Au vu de ce qui précède, la demande de l’appelante de voir charger l’expert BALL de la mission de dresser un décompte entre parties et de procéder à la réception contradictoire des travaux est irrecevable sur base de l’article 350 du NCPC.
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