Arrêt de la Cour d'appel de Luxembourg du 7 juillet 2022
.... en date du 14 juin 2020, les époux PERSONNE1.) et PERSONNE3.) ont signé un compromis de vente, portant sur une maison au lieu-dit ADRESSE6.)(..) pour le prix de 2.550.000 euros, par l’intermédiaire de l’agence immobilière ORGANISATION1.).
(..) Les parties appelantes font valoir que, dans la mesure où PERSONNE3.) n’a ni justifié de l’introduction d’une demande de prêt dans les trente jours à compter de la signature du compromis, ni présenté un refus bancaire, elle a failli à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat.
Il y aurait, dès lors, lieu de constater que les parties appelantes ont à bon droit mis fin au contrat pour faute de la partie intimée. En raison de l’inexécution du compromis de vente dans son chef, la partie intimée serait, par conséquent, redevable d’une indemnité forfaitaire de 10 % du prix de vente, soit le montant de 255.000 euros en principal, tant à l’égard des parties venderesses, qu’à l’égard de l’agence immobilière, ce en application de l’article 8 du compromis de vente.
Le compromis signé entre parties le 28 juin 2020 stipule ce qui suit en ses articles 5, 7 et 8 :
« Article 5 : Condition suspensive Le présent compromis est fait sous la clause suspensive qu’il devient uniquement définitif au moment où : - l’institut de crédit donne son accord par écrit à l’acquéreur pour le crédit nécessaire au paiement du prix de vente du bien présentement réservé et ceci endéans les 30 (trente) jours ouvrables à partir de la signature des présentes, sinon les deux parties contractantes sont libres de tout engagement et d’intérêts. En cas de refus bancaire, un courrier officiel de l’institut bancaire doit être présenté.
Article 7 : Acte authentique Les parties ont désigné pour dresser l’acte authentique qui constatera la présente vente : Maître [mention manuscrite] ORGANISATION3.). Les parties s’obligent à comparaître devant le notaire pour la signature de l’acte de vente, au plus tard le .
A défaut d’authentification du présent compromis dans ce délai, il est à considérer comme résolu de plein droit sous peine des indemnités prévues au point 8 à charge de la partie responsable.
Article 8 : Sanctions En cas d’inexécution du présent compromis de vente par l’une des parties, celle-ci devra payer à l’autre partie une indemnité forfaitaire de 10% du prix de vente ci-avant stipulé, ainsi qu’une indemnité forfaitaire de [mention manuscrite] 255.000.- euros TVA comprise à l’Agence ORGANISATION1.). »
Le contrat en cause s’analyse en une vente consentie sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt.
La condition suspensive est celle qui suspend l’efficacité d’une ou de plusieurs obligations à la réalisation d’un événement. En cas de défaillance de la condition, le contrat devient en principe caduc (...).
Cependant, le contrat existe et produit ses effets tant que la condition est pendante. Bien que l’exécution de l’obligation assortie d’une condition soit suspendue, le contrat fait donc naître des droits et des obligations entre les parties (..).
Pour satisfaire à la condition suspensive de l’obtention d’un prêt bancaire, la partie acquéreuse doit déployer toutes les diligences nécessaires pour que la condition puisse s’accomplir comme prévu au contrat.
Le compromis de vente n’a ni expressément, ni implicitement, mis de devoir d’information concernant le dépôt de la demande de crédit et l’obtention du crédit à charge de la partie acquéreuse. Aux termes du compromis, il incombait, en effet, uniquement à cette dernière de fournir aux vendeurs un courrier de refus de l’institut bancaire, dans l’hypothèse où sa demande de crédit n’aurait pas été acceptée.
Aucun tel écrit n’ayant été remis aux vendeurs, qui n’ont pas non plus été informés autrement d’un refus bancaire, ces derniers ne pouvaient présumer que la condition tenant à l’obtention du crédit était défaillie et auraient dû partir du principe que le crédit avait été accordé.
A supposer néanmoins qu’il se soit avéré que le crédit n’ait pas été accordé du fait d’un manque de diligences de PERSONNE3.), il aurait appartenu aux parties acquéreuses de se prévaloir des dispositions de l’article 1178 du Code civil, aux termes duquel « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ».
La caducité est, en effet, écartée lorsque la défaillance a été provoquée par la faute du débiteur obligé sous condition. A titre de sanction, le créancier peut alors demander que la condition soit considérée comme accomplie (...).
Il résulte de ce qui précède que, contrairement à l’affirmation du mandataire des parties acquéreuses dans son courrier adressé à PERSONNE3.) le 11 janvier 2021, le compromis n’est pas devenu caduc du fait de la non-présentation d’un accord bancaire écrit par l’intimée, endéans le délai de trente jours à compter de la date de la signature dudit compromis.
Dans le prédit courrier, le mandataire des parties venderesses indique encore qu’« à titre subsidiaire, la présente vaut résolution du compromis de vente pour faute dans votre chef. Vous omettez de donner des nouvelles et n’avez toujours pas viré le montant du prix de vente sur le compte du notaire ».
Aux termes de l’article 1184 du Code civil, « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. »
Le principe suivant lequel la résolution du contrat est réservée au juge auquel il appartient de se prononcer sur le bien-fondé de la demande en résolution, en fonction de son appréciation de la gravité de l’inexécution, est assorti d’exceptions, tel que la Cour d’appel luxembourgeoise l’a exposé dans son arrêt du 2 juillet 2020 (n° CAL2019-00550 du rôle),
Il convient d’emblée de relever qu’à défaut de stipulations contractuelles en ce sens, la non-présentation d’un accord bancaire n’a, en l’espèce, pas entraîné la résolution de plein droit du compromis.
Quant à la question de savoir si les appelants ont, à bon droit, procédé à la résolution unilatérale du compromis de vente, la Cour rappelle que, dans la mesure où le compromis de vente n’a pas mis de devoir d’information concernant le dépôt de la demande de crédit et l’obtention du crédit à charge de la partie acquéreuse, l’omission de présenter un accord bancaire endéans les trente jours de la signature du compromis n’a pas impliqué la défaillance de la condition suspensive.
Pour les mêmes raisons, cette omission n’a pas constitué une inexécution contractuelle dans le chef de la partie acquéreuse. Le reproche adressé à la partie acquéreuse dans le courrier du 11 janvier 2021, de ne pas avoir viré « le prix de vente » sur le compte du notaire, ne saurait pas non plus justifier la résolution du compromis de vente.
En effet, la partie acquéreuse n’avait aucune obligation de procéder au paiement du prix de la maison avant la passation de l’acte notarié (...)
Il n’y a dès lors, lieu ni de valider la résolution unilatérale du compromis de vente, intervenue suivant courrier du 11 janvier 2021, ni de prononcer la résolution judiciaire de ce compromis pour défaut de présentation d’un accord bancaire.
Si, à l’article 7, le compromis contient une clause résolutoire tenant à son défaut d’authentification, il ne prévoit pas pour autant de délai pour la passation de l’acte notarié, l’espace prévu à l’effet d’indiquer la date à laquelle l’acte notarié devrait, au plus tard, être signé, n’ayant pas été rempli.
Tel que l’ont souligné les juges de première instance, « la réitération par acte authentique d’une promesse synallagmatique de vente n’est qu’une modalité d’exécution du contrat. Les cocontractants sont liés par un contrat de vente dont certains effets (le transfert de propriété notamment) sont différés au jour de la signature de l’acte authentique. L’acte est alors qualifié de contrat de vente assorti d’un terme suspensif, c’est à dire d’un événement dont la réalisation future est certaine et qui, en vertu de l’article 1185 du code civil, ne suspend pas l’engagement mais en retarde simplement l’exécution. » (...).
Si aucun délai n'a été prévu pour la passation de l'acte authentique, il appartient à la partie la plus diligente de mettre l'autre en demeure de signer l'acte (...)
La mise en demeure est l'acte par lequel le créancier demande au débiteur en situation d'inexécution de satisfaire à ses obligations. Il s'agit d'ôter au débiteur tout prétexte tiré d'une négligence ou tolérance de son créancier (...).
En l’absence de stipulation quant à l’échéance du terme pour la signature de l’acte notarié, dans le compromis, la non-passation dudit acte par la partie acquéreuse, ne saurait être constitutive d’une faute contractuelle qu’à la suite d’une mise en demeure de s’exécuter dans un certain délai, restée infructueuse.
Tel que l’ont, à bon escient, relevé les juges de première instance, il n’est ni établi, ni même allégué que les parties appelantes aient convoqué PERSONNE3.) devant le notaire pour procéder à la signature de l’acte notarié.
Dans son courrier du 11 janvier 2021, le mandataire des parties venderesses ne met, en effet, pas PERSONNE3.) en demeure de passer l’acte authentique, mais de procéder au paiement du montant de 225.000 euros, au titre de la clause pénale.
A défaut d’avoir mis en demeure PERSONNE3.) de signer l’acte notarié, les parties appelantes n’établissent partant pas l’inexécution du compromis de vente par la partie intimée et ne peuvent prétendre au paiement des indemnités pénales prévues à l’article 8 du compromis.
Le jugement entrepris est donc à confirmer en ce qu’il a déclaré non fondées les demandes en paiement des indemnités convenues au compromis, sur base de la responsabilité contractuelle.
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