Arrêt du 22 octobre 2019 du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg
L’article 1641 du Code civil dispose que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
Conformément à l’article 1642 du Code civil, « Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
Par ailleurs, aux termes d’une clause contenue dans l’acte de vente notarié du 21 novembre 2016 sous la rubrique « Clauses et conditions », les parties ont expressément convenu ce qui suit :
« 2) L’immeuble est vendu dans l’état où il se trouve actuellement, sans garantie pour raison soit de vices et de dégradations quelconques […] La partie venderesse déclare […] ne pas avoir connaissance de vices cachés ».
Il importe de relever que la stipulation citée ci-dessus ne limite pas l’acceptation de la partie acquéreuse, en termes généraux, à l’état dans lequel se trouve l’immeuble vendu, mais que cette acceptation a été expressément étendue « aux vices et dégradations quelconques ». Contrairement aux conclusions des parties requérantes, il s’agit donc d’une clause exclusive de garantie pour tout vice quelconque, qu’il soit apparent ou caché.
A.) et B.) invoquent l’article 1645 du Code civil, ainsi que leur qualité de consommateurs finaux pour soutenir que cette clause devrait être réputée non écrite.
Conformément à l’article 1643 du Code civil, « [le vendeur] est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie ».
Aux termes de l’article 1645 du code civil : « Si le vendeur connaissait les vices de choses ou s’il s’agit d’un fabricant ou d’un vendeur professionnel, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. Si l’acheteur est un consommateur final privé, toute stipulation excluant ou limitant cette garantie est réputée non écrite ».
En application des dispositions précitées, les clauses limitatives de responsabilité en cas de vice caché sont en principe valables si elles sont conclues par un vendeur occasionnel de bonne foi. Le vendeur occasionnel se définit comme celui qui n’exerce pas à titre habituel une activité de vendeur pour le type de chose faisant l’objet du contrat conclu.
Les clauses limitatives ou exclusives de garanties sont cependant déclarées inopérantes et sans effet premièrement dans les relations entre un consommateur final privé et un vendeur professionnel. Doit être considéré comme vendeur professionnel, celui dont l’activité habituelle est la vente de tels biens. Ce vendeur professionnel est alors présumé avoir eu connaissance du vice et, donc, être de mauvaise foi. Cette présomption pèse sur tout vendeur professionnel que celui-ci soit fabricant ou simple revendeur.
Les clauses limitatives ou exclusives de garanties sont encore réputées non écrites en présence d’un vendeur occasionnel de mauvaise foi, c'est-à-dire le vendeur occasionnel qui a connu le vice affectant la chose et qui s’est gardé d'en avertir son cocontractant. L’acheteur peut alors se prévaloir de la garantie légale.
En l’occurrence, il y a lieu de souligner en premier lieu que la vente immobilière litigieuse a été conclue entre particuliers non professionnels dans le domaine immobilier.
Bien que l’article 1645, alinéa 2 du Code civil dispose que toute stipulation excluant ou limitant la garantie des vices cachés est réputée non écrite si l’acheteur est un consommateur final, le Tribunal retient que la notion de « consommateur final privé » doit être interprétée en ce sens qu’elle sous-entend l’existence d’une relation professionnel-consommateur.
L’article 1645, alinéa 2 du Code civil ne saurait dès lors pas trouver application en l’espèce.
Les parties contractantes ont donc pu diminuer la garantie de vices rédhibitoires, voire la supprimer complètement.
Il s’agit là d’une application du principe de la force obligatoire des contrats consacré à l’article 1134, alinéa 1er du Code civil, aux termes duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Une clause contractuelle qui, comme en l’espèce, exclut la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du Code civil doit, en principe, recevoir application.
En vertu de l’article 1643 du Code civil et de l’application jurisprudentielle qui en est faite, il n’en est autrement, une telle clause perdant son efficacité, que si le vendeur est de mauvaise foi, c’est-à-dire lorsqu’il connaissait les vices de la chose et qu’il en a nié ou tu l’existence.
Il incombe dès lors aux acheteurs de rapporter la preuve de la mauvaise foi des vendeurs outre qu’il leur incombe de rapporter la preuve de la réalité des vices et de leur antériorité à la délivrance du bien vendu (Cour d’appel, 9ème chambre, arrêt n° 73/19 du 13 juin 2019, n° CAL-2018-00094 du rôle).
Il y a également à déterminer si les désordres litigieux sont à qualifier de vices cachés, tel que le soutiennent les parties requérantes, ou si, au contraire, ils sont à qualifier de vices apparents, tel que le soutiennent les parties défenderesses en se prévalant de la clause exclusive de responsabilité précitée, ainsi que de l’article 1642 du Code civil.
En droit commun de la vente – tel qu’il est d’application en l’espèce – un vice est caché lorsqu’au moment où la chose est susceptible d’être examinée, il ne se révèle pas lors de vérifications immédiates et d’investigation normale. Un examen trop superficiel n’est cependant pas suffisant. Les vices apparents sont ceux que l’acheteur peut vérifier lors des vérifications sommaires auxquelles il a procédé ou aurait dû procéder. Le vice réside dans l’état défectueux ou le mauvais fonctionnement de la chose, dans l’impossibilité de s’en servir dans des conditions satisfaisantes, dans les conséquences nuisibles produites à l’occasion d’une utilisation normale. Il faut que la qualité faisant défaut soit l’une des principales que l’on reconnaît à la chose. En principe, il ne suffit pas que l’une des diverses qualités que l’acheteur pouvait envisager ou que le vendeur avait promise, fasse défaut, si cette absence est sans incidence réelle sur l’utilité de la chose. Il faut que le vice présente une certaine gravité, ainsi les défauts qui diminuent seulement l’agrément que l’on peut en tirer ne donnent pas lieu à garantie. L’acquéreur ayant reçu la chose, et l’obligation de délivrance étant ainsi matériellement exécutée, c’est à lui qu’il incombe d’établir que la chose ne répond pas à l’usage que l’on peut attendre. Il supporte la charge de la preuve. (G. RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3ème édition, n° 694 et 695, p. 720 ; Cour d’appel, 9ème chambre, arrêt n° 83/16 du 26 mai 2016, n° 40.413 du rôle, Pas. 38, p. 82).
Les vices dont se prévalent les parties requérantes dans le cadre de la mise en œuvre de la garantie des vices cachés sont, d’un côté, « tous les dégâts et endommagements au niveau du sous-sol, du mur pignon extérieur et intérieur » visant de manière générale le problème d’humidité et de moisissure, et, d’un autre côté, « la mauvaise exécution des travaux relatifs à la cour anglaise ».
La problématique de la cour anglaise n’a cependant pas spécialement été développée par les parties litigantes. Il incombe dès lors au Tribunal de préciser qu’il résulte du rapport d’expertise qu’il existe deux cours anglaises sur lesquels l’expert s’est prononcées avec des constats et des conclusions tout à fait distinctes.
La première cour anglaise est située entre la buanderie et le passage latéral longeant la maison (cf. plans insérés dans le rapport d’expertise FABER, p. 8). L’expert judiciaire Serge FABER a relevé d’importantes traces d’humidité présentes dans cette cour anglaise et a constaté qu’il n’existe pas de séparation / d’étanchéité entre la cour anglaise et les murs de la maison (cf. photo n° 16 du rapport d’expertise FABER, p. 16). Étant donné que cette cour anglaise ne constitue qu’une émanation du problème plus général d’humidité affectant les pièces du sous-sol, son analyse sera incluse dans cette rubrique.
La deuxième cour anglaise se situe à l’arrière de la maison en-dessous de la véranda (cf. photo n° 19 du rapport d’expertise FABER, p. 18). Elle n’est pas reprise sur les plans dressés par l’expert. Étant donné que les constatations de l’expert relatives à cette cour anglaise n’ont a priori pas trait au problème général d’humidité, mais plutôt à sa réalisation technique, son analyse fera l’objet d’une rubrique distincte.
a. Le problème d’humidité et de moisissure affectant les pièces du sous-sol
Il est établi en cause que le problème d’humidité et de moisissure est un problème qui affecte les murs du sous-sol depuis plusieurs années. En raison de cette subsistance prolongée du désordre, le Tribunal a également retenu ci-dessus que C.) et D.) en ont nécessairement été ou en auraient dû être au courant.
Ces conditions d’application de la garantie des vices cachés se trouvent dès lors remplies.
Or, conformément aux développements précédents, l’envergure des problèmes d’humidité et de moisissure affectant les pièces du sous-sol est telle que A.) et B.) auraient dû s’apercevoir spontanément du problème manifeste d’humidité affectant les murs et les plafonds des pièces du sous-sol.
L’humidité présente dans les murs du sous-sol n’est dès lors pas à qualifier de vice caché, en ce qu’une investigation normale entreprise par les acquéreurs aurait immédiatement relevé l’existence du problème.
Étant donné que la déclaration des parties venderesses dans l’acte de vente suivant laquelle ils n’ont pas « connaissance de vices cachés » ne concerne que les vices cachés, les parties requérantes manquent à cet égard à établir la mauvaise foi requise pour priver d’effet la clause exclusive de responsabilité contenue dans l’acte de vente.
Ainsi, sans égard aux dispositions de l’article 1642 du Code civil qui exclut à son tour toute garantie contre les vices apparents, la clause exclusive de responsabilité convenue dans l’acte de vente sort ses effets et l’action en garantie des vices cachés doit être rejetée en ce qui concerne le problème d’humidité et de moisissure affectant le sous-sol de l’immeuble litigieux.
b. La mauvaise fermeture de la cour anglaise située à l’arrière de la maison sous la véranda
Concernant la cour anglaise qui se situe à l’arrière de la maison sous la véranda, l’expert Serge FABER relève que « la façon à laquelle cette cour anglaise a été fermée est un bricolage d’amateur ».
Au vu des plans du sous-sol insérés dans le rapport d’expertise FABER, ne faisant état que d’une seule cour anglaise, alors qu’il peut être déduit du rapport d’expertise qu’il en existe deux, il n’est pas possible de déterminer si cette cour anglaise se situe à un endroit du sous-sol où l’expert a relevé de l’humidité ou non.
Le Tribunal souligne donc d’emblée qu’il n’est pas établi en cause que celle-ci soit affectée de problèmes d’humidité. Un tel vice ne peut dès lors être retenu, étant 21 cependant précisé que dans le cas contraire les développements précédents sub. B) 3) a) s’appliqueraient par analogie.
La mauvaise exécution des travaux relatifs à la cour anglaise « arrière » ne concerne donc que sa fermeture qui, d’après l’expert Serge FABER, relèverait d’un « bricolage d’amateur ».
Relativement à ce problème, les parties requérantes restent cependant en défaut de prouver que cette fermeture non conforme aux règles de l’art de la cour anglaise rende d’une quelconque manière la maison impropre à son usage ou en diminue l’usage.
Ce désordre ne rentre donc pas dans les prévisions de l’article 1641 du Code civil, de sorte qu’en conclusion l’action en garantie des vices cachés doit être rejetée dans son intégralité.
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