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cession d'actions non entièrement libérées - opposabilité au curateur (non si pas publié)

Arrêt de la Cour d'appel de Luxembourg du 14/07/2020 (Extrait)


L’inscription au registre des actions nominatives constitue un moyen de preuve de la propriété. Il ne s’agit pas d’une présomption irréfragable et l’inscription, qui n’a pas de caractère sacramentel, n’est pas à considérer comme titre de propriété..


En l’espèce, le registre des actions nominatives, versé à titre de pièce par le curateur, renseigne que l’appelant a détenu 51 actions entre la constitution de la société C et le 29 juillet 2011 et qu’à partir de cette dernière date il ne détient plus d’actions...


Le transfert effectué, celui dont le nom figure sur le registre des actionnaires nominatifs est seul présumé être le titulaire des actions inscrites à son nom, vis-à-vis des autres associés, de la société, comme des tiers...


Entre associés, le transfert se fait par le simple consentement alors que l’opposabilité à l’égard des tiers peut résulter de l’accomplissement soit des formalités de l’article 1690 du Code civil, soit de celles de l’article 430-4 de la LSC, à savoir la déclaration de transfert inscrite sur le registre des actions nominatives (J.-P. Winandy, Manuel de droit des sociétés, édition 2019, p. 503).


Contrairement à ce qui a été retenu par les juges de première instance, les inscriptions au registre des actions nominatives sont opposables tant à la société qu’aux tiers.


Il existe cependant un régime spécifique en cas de transfert d’actions non entièrement libérées imposant une formalité supplémentaire pour rendre la cession de telles actions opposable aux tiers...


En effet, l’article 430-13 de la LSC prévoit que « les actionnaires sont, nonobstant toute stipulation contraire, responsable du montant total de leurs actions. Toutefois, la cession valable des actions les affranchira, à l’égard de la société, de toute contribution aux dettes postérieures à la cession, et à l’égard de tiers, de toute contribution aux dettes postérieures à sa publication. Tout cédant a un recours solidaire contre celui à qui il a cédé son titre et contre les cessionnaires ultérieurs ».


Quant à la publication visée par cette disposition, il y a lieu de se référer à l’article 430-12 de la LSC aux termes duquel « la situation du capital social sera publiée une fois par an, à la suite du bilan. Elle comprendra : 1) le nombre des actions souscrites ; 2) l’indication des versements effectués, 3) la liste des actionnaires qui n'ont pas encore entièrement libéré leurs actions, avec l'indication des sommes dont ils sont redevables. La publication de cette liste a, pour les changements d'actionnaires qu'elle constate, la même valeur qu'une publication faite conformément à l'article 100-13. »


A l’instar des juges de première instance, il y a lieu de constater que la publication y visée n’a jamais été effectuée...


La doctrine précise que l’article 430-13 de la LSC a été inspiré du seul intérêt des tiers au profit desquels la publicité de la cession est exigée... Dès lors que la cession a été publiée, les tiers sont avertis, de sorte qu’il est légitime que le cédant n’assume plus aucune responsabilité pour les dettes de la société contractées après la publication de la cession ...


Dans ce contexte, l’appelant conteste que le curateur soit à considérer comme tiers....Dans l’accomplissement de sa mission, il est substitué tantôt au débiteur, tantôt aux créanciers, selon qu’il se prévaut des droits de l’un ou des autres, dans l’intérêt de la liquidation. Il est l’organe légal tantôt de l’un, tantôt de l’autre...


.. Le curateur agit ainsi aux droits de la masse lorsqu’il agit contre un créancier dont l’intérêt est opposé à celui de la masse... Il est ainsi notamment loisible au curateur, confronté à un acte souscrit par le failli par rapport auquel il a un doute quant à sa sincérité, de prétendre que l’acte ne lui est pas opposable à défaut d’avoir date certaine (Cour d’appel, 10 mai 2017, n° 43629 du rôle; Les Novelles, op. cit., n° 2165).


Il est admis que le curateur agit aux droits de la masse lorsqu'il oppose à celui qui se prévaut d'un acte le défaut d'accomplissement des formalités qui le rendrait opposable à tous ou qui rendrait sa date certaine selon le droit commun (Les Novelles, op. cit., p. 633, n°2166)....


Il se déduit de ces principes que c’est à bon droit que les juges de première instance ont conclu que le curateur peut revendiquer sa qualité de tiers par rapport à l’acte de cession des actions et se prévaloir de l’absence de publication intervenue conformément à l’article 430-12 de la LSC.


L’appelant se prévaut encore de la publication « de la modification quant à l’actionnariat de la société » au Registre de commerce et des sociétés. A cet égard, la Cour renvoie à la motivation exhaustive des juges de première instance qui ont notamment retenu à juste titre que s’il résulte de l’assemblée générale du 23 septembre 2011 que la société S.M.C est détenue par un actionnaire unique, il reste que cet acte notarié ne concerne pas la cession à proprement parler des actions initialement détenues par A au profit de D.


A cela s’ajoute que l’identité de l’actionnaire unique n’est pas mentionnée...La publication du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire ne saurait dès lors valoir publication au sens de 430-13 de la LSC dès lors que l’identité des actionnaires n’ayant pas encore entièrement libéré leur part n’y est pas mentionnée.


La Cour rejoint partant les juges de première instance en ce qu’ils ont conclu que la cession des actions nominatives du 29 juillet 2011 est inopposable et n’a pas d’effet libératoire vis-à-vis des tiers, y compris le curateur en tant que représentant de la masse.


C’est partant à bon droit que l’appelant a été condamné à la libération du capital social, outre les intérêts. Le jugement entrepris est dès lors à confirmer.

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