Jugement du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg du 10/03/2020
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La loi du 3 février 2018 portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du code civil a opéré une refonte des dispositions légales régissant les baux commerciaux.
L’article 1762-6 (4) du code civil dispose désormais que sauf en cas de sous-location où des investissements spécifiques à l’activité du sous-locataire ont été effectués par le preneur, les loyers payés au preneur par le sous-locataire ne pourront être supérieurs aux loyers payés par le preneur au bailleur.
Aux termes de l’article 3 (1) de la loi du 3 février 2018, les dispositions de cette dernière sont applicables aux contrats en cours à partir de sa date d’entrée en vigueur. Une dérogation a été prévue pour l’article 1762-6 (4) qui n’a pris effet que douze mois après l’entrée en vigueur de la loi.
La date de prise d’effet de la loi du 3 février 2018 ayant été le 1er mars 2018, les dispositions de l’article 1762-6 (4) sont applicables depuis le 1er mars 2019.
Les travaux parlementaires prévoient que :
« La sous-location peut être un phénomène de renchérissement indésirable des loyers: une personne signe avec un propriétaire un contrat de bail avec l’intention délibérée de le donner en sous-location à un tiers, un commerçant qui y exploite son commerce. Le loyer pour la sous-location est nettement plus élevé que le loyer initial, l’intermédiaire jouant pour son bénéfice sur le différentiel de loyer. Ce phénomène constitue un renchérissement sensible des loyers pour les locaux de commerce, sans constituer d’ailleurs une augmentation de revenus pour le propriétaire. Sachant qu’il est impossible de défendre la sous-location, il a été jugé plus utile de donner au bailleur lésé la possibilité de se substituer au preneur principal, en libérant bien entendu ce dernier de toutes ses obligations. S’il est vrai que ce mécanisme ne permet pas au preneur d’alléger sa situation, il permet néanmoins d’assécher ce commerce parasitaire »
« Le paragraphe (4) est une innovation et a pour vocation d’assécher un commerce de sous-location qui s’est développé ces dernières années surtout à Luxembourg-Ville. Il s’est en effet établi au Luxembourg un commerce de sous-locations qui se traduisait par la pratique qu’un commerçant prenait en location plusieurs commerces pour les donner en sous-location à un autre commerçant et ceci à un prix plus élevé.
Ce mécanisme a un effet de renchérissement des loyers peu propice à un développement serein et harmonieux du commerce. Afin de mettre un terme à cette pratique, et toujours dans le respect du principe du consensualisme, il a été jugé opportun d’accorder au bailleur principal la possibilité de se substituer au preneur principal en permettant ainsi au propriétaire d’en tirer les bénéfices.
Le preneur principal sera ainsi libéré de ses obligations contractuelles et le bailleur et le sous-locataire seront liés selon les termes et conditions du contrat de sous-location...
En l’occurrence, A verse un devis du 17 septembre 2009 de la société 1 pour un montant total de 116.100,80 euros portant sur des travaux de plafonnage, d’habillage de murs, de revêtement du sol, de peinture des murs et plafonds, de pose d’une porte et d’une vitrine, d’une climatisation et de travaux électriques.
Elle verse encore un devis du 28 septembre 2009 de la société 2 pour un montant total de 7.347,84 euros portant sur des travaux électriques. Le tribunal constate que lesdits travaux ont été effectués en 2009, alors que le contrat de bail conclu avec B date de 2012.
Plus de deux ans s’étant écoulés entre les travaux effectués dans le local commercial et l’emménagement de B, des investissements spécifiques liés directement à l’activité du sous-locataire ne sont pas établis par A.
Il s’y ajoute que B verse cinq factures relatives à des travaux de transformation du magasin, datées après la signature du contrat de bail portant sur le local commercial au rez-de-chaussée. Il en résulte que B elle-même a fait effectuer des travaux liés directement à son activité commerciale, et non pas A.
Il y a, également, lieu de relever qu’A affirme qu’elle a déboursé des sommes importantes afin de pouvoir mettre en sous-location l’immeuble en cause. Cependant, les investissements faits par le preneur principal dans le simple but de pouvoir mettre en sous-location l’immeuble ne tombent pas dans le champ d’application de l’article 1762-6 (4) du code civil.
Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’en application de l’article 1762-6 (4) du code civil, tel que modifié par la loi du 3 février 2018 portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du code civil, A ne peut réclamer un loyer supérieur à celui qu’elle paie à C pour l’immeuble sis à […].
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