Arrêt de la Cour d'appel de Luxembourg du 30/01/2019
...Dans le cadre d’un contrat d’assurance vie, le bénéficiaire du capital assuré à acquis un droit propre de par la conclusion du contrat. Il touche le capital en vertu de son titre qui est la police.
En présence d’une stipulation faite en faveur d’un tiers déterminé, les héritiers du preneur d’assurance sont sans qualité pour agir ; en effet le capital assuré n’a pas fait partie des biens qu’ils sont appelés à recueillir alors qu’il a été acquis dès le jour de la signature du contrat par la personne gratifiée.
Si en règle générale les héritiers sont sans qualité pour contester la stipulation en elle-même, se pose la question de savoir s’ils peuvent intervenir pour obtenir la réduction et le rapport du capital assuré.
Sont en principe exclus de la masse de calcul les biens et droits dont le défunt n’est plus ou n’est pas propriétaire au jour du décès tel que le capital d’un contrat d’assurance vie souscrit au bénéfice d’un tiers. (Liquidation des successions, Dalloz, 2e édition, n°312.21)
Par le mécanisme de la stipulation pour autrui, l'héritier, bénéficiaire d'une assurance vie, possède un droit propre et direct sur la prestation assurée qui est censée n'avoir jamais appartenu au souscripteur (C. assur., art. L. 132-12. - Pour des illustrations, V. JCl. Notarial Formulaire, V° Déclaration de succession, fasc. 105 et 107 ; in. JurisClasseur Notarial Formulaire, Fasc. 109 : Déclaration de succession, mise à jour 4 juillet 2016, 2) a)).
Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.
Par quatre arrêts rendus le 23 novembre 2004, la Cour de cassation a mis fin à une controverse et écarté la requalification en contrat de capitalisation de certains contrats d'assurance-vie, dits de "placements", en décidant que le contrat d'assurance dont les effets dépendent de la durée de vie humaine comporte un aléa, au sens de l'article 1964 du Code civil, L. 310-1, 1° et R. 321-1, 20 du Code des assurances et constitue un contrat d'assurance sur la vie.
Par conséquent, les articles L. 132-12 et L. 132-13 du Code des assurances s'appliquent aux "assurances placements". Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. (op. cit., 2) b))
Même si l'on considère, avec la Cour de cassation, que l'aléa de la durée de la vie est, quoi qu'il en soit, constitutif du contrat d'assurance sur la vie, encore faut-il que l'aléa de cette durée ne soit réduit au noyau d'atome proche de la fission. C'est notamment le cas de ces contrats souscrits "in extremis" afin d'éluder les dispositions successorales ou fiscales.
Le contrat peut être requalifié en donation si les circonstances révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. (JurisClasseur Civil Annexes, Fasc. 15-10 : Assurances terrestres, mise à jour, 17 février 2017, n°70)
Ainsi, les règles du rapport à succession et de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. Le caractère manifestement exagéré des primes eu égard aux facultés du contractant s'apprécie au moment du versement, en tenant compte de son âge, ainsi que de ses situations patrimoniale et familiale. (JurisClasseur Notarial Formulaire, Fasc. 109 : Déclaration de succession, mise à jour 4 juillet 2016, 2) c))
Il importe dès lors de tenir compte du dessein poursuivi par le souscripteur et les conditions dans lesquelles l'opération a été réalisée. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle confirmé qu'il fallait tenir compte "des circonstances et des époques du paiement des primes ainsi que de l'importance" et de "l'utilité de l'opération pour le souscripteur" en considération de son âge. Concernant l'utilité de l'opération pour le souscripteur, les juges du fond doivent rechercher qu’elle était l’intention véritable du souscripteur, ce qui peut conduire à une requalification du contrat d'assurance vie en donation pure et simple ...
Pour déterminer cette partie excessive des primes versées, il convient de retenir le nominal des primes versées et non pas la valeur capitalisée. (Liquidation des successions, Dalloz, 2e édition, n°314.101)
Il y a encore lieu de rappeler que la valeur de rachat de tout contrat d’assurance vie non dénoué est soumise aux droits de succession dans les conditions ordinaires. Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de retenir qu’un contrat d’assurance vie peut le cas échéant être requalifié en donation indirecte. Afin de préparer sa défense il faut ainsi que l’héritier dispose d’un minimum d’informations quant à l’existence des contrats d’assurance vie souscrits, le montant des sommes versées en vertu des contrats, le montant des primes versées et l’identité du bénéficiaire désigné........
Au vu de la différence notable entre l’actif net de la succession et le montant transféré dans les contrats d’assurance vie il semble que les primes aient été trop importantes et que l’utilité de l’opération n’était pas simplement de constituer des contrats d’assurance sur la vie.
C’est dès lors à juste titre qu’A.) fait valoir avoir un intérêt légitime de se voir communiquer les informations relatives aux contrats d’assurance vie souscrits afin qu’il soit en mesure de défendre ses droits et de déterminer la solution du ou des litiges à venir. La probabilité d’un litige ainsi que la pertinence et l’utilité des pièces demandées est partant donné, alors qu’A.) s’estime lésé dans ses droits d’héritier réservataire et si les informations dont il demande communication confirment ses soupçons qu’une partie des avoirs de feu ses parents ont été détournés à son insu et contre son gré, il ne manquera pas d’agir en justice contre son frère et le cas échéant contre la banque et l’assurance....
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