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Bail commercial - renouvellement préférentiel - refus du bailleur (justifié)

Jugement du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg du 8 mars 2021


A titre préliminaire, B soutient que les lieux loués par la locataire sont essentiellement un lieu de stockage, incompatible avec la notion de fonds de commerce susceptible de faire l’objet d’une protection prévue aux articles 1762-11 et 1762-12 du Code civil.


L’intimée conclut qu’aucune indemnité d’éviction ne peut dès lors être réclamée. Les dispositions des articles 1762-11 et 1762-12 du Code civil sont destinées à protéger le fonds de commerce.


Le statut protecteur ne s’applique logiquement qu’au commerçant qui occupe lui-même les lieux loués et y entretient une relation directe avec les clients accédant publiquement aux lieux loués.


Etant donné qu’il s’agit d’une protection du fonds de commerce, seul le commerçant qui exploite effectivement et personnellement un fonds de commerce dans l’immeuble objet du bail pourra prétendre au renouvellement préférentiel.


Dans le même ordre d’idées, le droit au renouvellement suppose que l’exploitant du fonds de commerce ait une relation directe avec la clientèle qui se noue dans le local objet du bail. Un commerçant qui exploite le local loué à des fins commerciales, mais qui ne reçoit pas ses clients dans cet endroit (par exemple, un hangar ou un atelier) ne peut prétendre au renouvellement préférentiel. En effet, dans ce cas, le changement du local de commerce ne peut affecter sensiblement le fonds de commerce du locataire.


Eu égard aux contestations de la société appelante, B reste en défaut de prouver que les lieux loués par A sont des entrepôts n’accueillant pas directement de la clientèle.


(...)Contrairement aux affirmations de cette dernière, les dispositions de l’article 1762-11 du Code civil pourraient également être invoquées pour justifier la résiliation du contrat de bail respectivement pour s’opposer au renouvellement d’un contrat de bail d’une durée supérieure à neuf ans.


Aux termes de l’article 1762-11 du Code civil, « Le bailleur peut résilier le bail avec effet immédiat en cas d’inexécution des obligations contractuelles par le preneur. Le bailleur peut résilier le bail avec le préavis prévu à l’article 1762-7, ou en refuser le renouvellement :


1. aux fins d’occupation personnelle par le bailleur ou par ses descendants au premier degré ;

2. en cas d’abandon de toute location aux fins d’activité identique ;

3. en cas de reconstruction ou de transformation de l’immeuble loué. »


L’article 1762-12 du même code poursuit « Le bailleur peut toujours, au terme d’une durée de neuf années au moins d’occupation des lieux loués, résilier le bail, ou en refuser le renouvellement, sans devoir fournir de justification :

1. si le bailleur verse, avant la fin du bail au preneur une indemnité d’éviction ; ou

2. si un tiers verse l’indemnité d’éviction avant la fin du bail. … »


En instaurant le droit au renouvellement du contrat de bail, le législateur a souhaité protéger le fonds de commerce. Au vu du libellé de l’article 1762-12 précité, si le bailleur ne fournit pas de justification, il doit payer une indemnité d’éviction.


A contrario, si le bailleur fournit une justification, alors il est dispensé de son obligation de payer une indemnité d’éviction.(...)


Contrairement à l’affirmation de la société appelante, le fait que le bailleur peut également invoquer les motifs prévus à l’article 1761-11 précité en cas d’un contrat de bail d’une durée supérieure à neuf ans, ne permet pas d’éventuels abus.


En cas de contestation des motifs invoqués par le bailleur à l’appui de la résiliation, respectivement de son refus au renouvellement d’un contrat de bail d’une durée supérieure à neuf ans, le bailleur est obligé de prouver postérieurement que le motif invoqué à la base de la résiliation, respectivement de son refus au renouvellement du contrat de bail, est justifié.


Si le motif invoqué par le bailleur à l’appui de son congé ou de son refus de renouvellement, est jugé par la suite comme étant injustifié, le bailleur sera sanctionné car il sera tenu à payer une indemnité d’éviction au locataire indûment évincé des lieux loués...


Au vu de ce qui précède, le fait que le bailleur a invoqué comme motif de résiliation du contrat de bail tant la démolition du bâtiment que le besoin personnel consistant dans l’occupation des lieux, n’équivaut pas de droit à une absence de motifs, permettant ipso jure l’allocation d’une indemnité d’éviction.


La partie appelante réfute au fond le bien-fondé des motifs avancés par le bailleur pour justifier la résiliation du contrat de bail.


Concernant le besoin personnel invoqué, la partie appelante donne à considérer que la bailleresse est établie dans une autre commune que l’immeuble loué. Par conséquent, elle ne pourrait pas invoquer le besoin personnel. En outre, l’éventuelle occupation des lieux par une autre société du même groupe que celle de la bailleresse, ne permettrait pas davantage de justifier la résiliation pour besoin personnel.


Concernant les prétendus travaux de démolition envisagés par le bailleur, ce serait à bon droit que le premier juge a décidé que les travaux invoqués ne sauraient justifier la résiliation du contrat de bail...


..les démarches entreprises par B, telles que documentées par les pièces du dossier qui comprennent les différentes demandes, recours et preuve de paiement des honoraires d’architecte et d’ingénieur-conseil, dénotent cependant l’intention ferme de la société intimée de procéder aux travaux de démolition, respectivement de transformation et de reconstruction à son immeuble.


A ce stade, au vu des recours exercés, il n’est pas possible de prédire – tel que le fait la partie appelante – que la réalisation des travaux envisagés est d’ores et déjà impossible. Il convient également de souligner que le législateur luxembourgeois n’a pas précisé quels sont les travaux de reconstruction ou de transformation qui permettent de s’opposer au renouvellement préférentiel du bail.


Afin d’éviter des abus et pour protéger les droits du locataire, ces travaux doivent cependant avoir une certaine ampleur.


Ainsi, le bailleur ne peut évincer le locataire pour entreprendre des aménagements superficiels ou des modifications anodines tout comme les réparations que le bailleur aurait pu effectuer pendant la durée du bail et que le preneur doit souffrir.


Le refus de renouvellement se justifie cependant si les travaux envisagés affectent le gros-œuvre. On comprend par gros-œuvre en termes d’architecture les fondations, les murs et la toiture.


Au vu des pièces versées, il est établi que l’intimée a souhaité démolir le bâtiment existant afin d’y construire un nouveau complexe sur plusieurs étages, recouvert de verdure. Les travaux envisagés concernent l’ensemble de l’immeuble et également les locaux exploités par la société appelante.


Il en découle que le caractère réel et sérieux du motif invoqué à la base de la résiliation du contrat de bail et du refus du renouvellement du bail commercial ressort à suffisance des pièces versées



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